Les Nations unies ont établi un nouveau classement des causes de mortalité de la population mondiale.

Pendant des décennies, les responsables de la santé mondiale ont concentré leurs efforts sur les maladies infectieuses: sida, tuberculose, grippe. Ils ont milité pour des vaccins, de meilleurs traitements et d’autres moyens de lutter contre des germes qui pouvaient atteindre n’importe quelle partie du monde en quelques heures.

Ils ont maintenant dressé une nouvelle liste des ennemis de la santé publique. Cette fois, il ne s'agit pas d'agents pathogènes, mais de nos mauvaises habitudes: tabagisme, suralimentation, manque d'exercice physique.

La semaine prochaine, l'Assemblée générale des Nations Unies tiendra son tout premier sommet consacré aux maladies chroniques: cancer, diabète, maladies cardiaques et pulmonaires. Elles sont responsables de près des deux tiers des décès (environ 36 millions). Aux États-Unis, par exemple, elles tuent près de neuf personnes sur dix.

Ces maladies partagent des facteurs de risque communs et nombre d’entre elles sont évitables.

La propagation des maladies chroniques, selon l’Organisation mondiale de la santé.

Dans de nombreux pays, ces maladies restent… méconnues. Par exemple, en Éthiopie, jusqu'à récemment, il n'y avait qu'un seul oncologue pour plus de 80 millions d'habitants. Aujourd'hui, il n'y en a plus que quatre. Il n'y a quasiment pas de médicaments (ni même d'analgésiques). Un cas scandaleux est arrivé à Mativos Bekele, un garçon de deux ans atteint de leucémie. Son père l'a emmené à Addis-Abeba, a consulté aux États-Unis et lui a prescrit des médicaments de chimiothérapie en provenance d'Inde. L'enfant est décédé faute d'une salle séparée à l'hôpital pour le protéger des infections dont souffraient les autres patients. Le père, fondateur d'une organisation de lutte contre le cancer, représentera un quatuor d'oncologues éthiopiens au sommet.

Comme c'est souvent le cas à l'ONU, les hauts responsables n'ont pas réussi à se mettre d'accord avant la réunion sur les priorités – cibler des maladies ou des facteurs de risque spécifiques – ni sur les objectifs et les échéances. Et avec la crise économique mondiale, les fonds sont rares. Mais Sydney Smith, de l'Université de Caroline du Nord (États-Unis) et directrice de la Fédération mondiale du cœur, souligne que la plupart des propositions sont dérisoires: « Il ne s'agit pas de trouver le prochain remède miracle. Il s'agit de changements de comportement et de médicaments rentables comme l'aspirine et les médicaments génériques contre l'hypertension. »

C'est seulement la deuxième fois que l'ONU s'intéresse à la santé. Le précédent sommet, en 2001, avait conduit à la création du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, dans lequel gouvernements et groupes privés ont injecté des milliards de dollars. Mais aujourd'hui, même les pays les plus riches manquent de liquidités; les acteurs privés ont eux aussi peu d'espoir. La Fondation Bill & Melinda Gates, par exemple, a déjà annoncé qu'elle ne soutiendrait pas la nouvelle initiative, faute d'investissements suffisants dans la lutte contre les maladies infectieuses dans les pays pauvres. La fondation estime que c'est désormais plus important.

Les experts ne sont pas d'accord. « L'idée que le cancer est un problème de pays riches est une erreur », déclare Eduardo Casap, président de l'Union internationale contre le cancer. « La plupart des pays africains ont désespérément besoin de traitements contre le cancer », affirme Ala Alwan, directeur général adjoint de l'Organisation mondiale de la Santé. « Et la région affiche les taux les plus élevés d' accidents vasculaires cérébraux et d'hypertension artérielle. »

Au Ghana, il y a deux centres de cancérologie « abandonnés » pour servir 23 millions de personnes; le pays compte quatre oncologues et aucune infirmière en oncologie, explique Allen Lichter, directeur exécutif de l'American Society of Clinical Oncology.

L’Afrique reste la seule région du monde où les maladies infectieuses, les complications de la grossesse et la mauvaise nutrition tuent encore plus de personnes que les maladies non transmissibles.

Selon l'OMS, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et les maladies cardiovasculaires sont responsables de près de la moitié des décès dus aux maladies non transmissibles dans le monde, soit 17 millions de cas en 2008. Viennent ensuite le cancer (7,6 millions), les maladies respiratoires (emphysème, par exemple) (4,2 millions) et le diabète (1,3 million). Il convient également de noter que la plupart des diabétiques décèdent de causes cardiovasculaires.

L’ONU a décidé de se concentrer sur les facteurs de risque communs, à savoir le tabagisme, l’abus d’alcool, une mauvaise alimentation, l’inactivité physique et les cancérogènes environnementaux.

L’impact de ces facteurs est hétérogène.

L'Europe et l'Amérique du Nord mangent trop et font trop peu d'exercice; les maladies cardiaques et le diabète y sont répandus. La prévention et le traitement du cancer étant largement disponibles depuis longtemps dans ces régions, les cancers du sein et de la prostate, formes de la maladie liées à l'âge, sont les plus fréquents. En Europe de l'Est et dans l'ex-Union soviétique, en revanche, le cancer du poumon est prédominant en raison du tabagisme. L'Europe est le leader mondial en termes de prévalence de cette habitude néfaste: 29 % de la population fume, fume, fume.

L'Asie du Sud-Est affiche les taux d'obésité les plus bas au monde. Pourtant, en Chine, où seulement 6 % de la population est obèse, près de 4 personnes sur 10 souffrent d'hypertension artérielle. Le taux de mortalité respiratoire y est quatre fois supérieur à celui des États-Unis. De nombreuses régions présentent également des taux élevés d'infection par le papillomavirus humain.

En Inde, le gouvernement a récemment lancé une vaste lutte contre le diabète et l'hypertension artérielle. Le pays compte 51 millions de diabétiques, soit le deuxième taux le plus élevé après la Chine. Le cancer le plus fréquent en Inde est le cancer du poumon, et chez les femmes, le cancer du col de l'utérus.

En Amérique centrale et du Sud, la situation en matière de cancer ressemble largement à celle de l'Amérique du Nord, à une exception près: dans certaines régions, le cancer du col de l'utérus est prédominant. Le problème réside dans les spécialistes: au Honduras, on ne compte que deux oncologues pour 700 nouveaux cas par an.